Des
composantes, un cadre, des références théoriques, un vocabulaire à interroger.
Art = expression du beau.
Thérapie = traitement d’une maladie.
En art-thérapie, ces deux mots sont assez éloignés de leur définition première. Il ne s’agit plus de beau mais de créativité. Il ne s’agit plus de considérer le problème d’une personne mais de considérer ce que cette personne créé, non comme manifestation symptomatique mais comme œuvre.
En art-thérapie, ce n’est pas la part malade de la personne qui est en jeu mais ses ressources, sa part saine, et souvent son langage non-verbal.
Le travail du clinicien = accueillir, contenir, comprendre, accompagner
la mise en sens, la transformation, l’intégration (art-thérapeute =
regard-attention, rêverie, co-associativité).
Le travail de l’artiste-thérapeute = au moyen de la médiation artistique
+ aider le processus créatif qui induit un changement psychique par
- des
indications techniques, avec ou sans consignes (les consignes doivent être
clairement pensées, adaptées et présentées), avec ou sans exercices de
préparation ou d’entrainement,
-
des
retours verbaux sur la pratique artistique et pas seulement sur les
implications psychiques
- des
échanges non-verbaux (le thérapeute répond par le média artistique : en
modelant, peignant, jouant, dansant… avec le/les patients ; et les corps
sont impliqués autant voire plus que les mots).
- Un
accompagnement à chaque étape :
la
page blanche ou la première fois ; l’expérience du vide, du silence, de
l’absence… ; la rencontre avec la matière, le geste, l’altérité… ; la
distance entre l’inspiration et la réalisation ; la mise en action d’un Je
fictif et les allers-retours entre Je-moi et Je-image, personnage, geste, mot
ou son ; le regard de l’autre/des autres ; une finalisation
artistique (présentation publique) ?...
LES RESSORTS PRINCIPAUX de l’art-thérapie
La réflexion des thérapeutes : penser l’accompagnement
L’atelier
à médiation est différent de l’atelier d’expression et de l’atelier
occupationnel, tant dans sa préparation que dans les post-groupes et dans son
suivi chronologique.
Processus versus Résultat
Processus
de création spécifique à une personne ou un groupe de personnes et production
particulière qui en résulte / adéquation à des canons et recherche de
l’universalité plutôt que du personnel.
Les processus spécifiques des médiations artistiques
Créer
un ensemble gestuel, un jeu théâtral, une image picturale, un texte, un
ensemble de sons et de rythmes… est différent de jouer à un jeu de société
-> Winnicott playing/gaming ;
différent de la relation avec un animal – cheval, dauphin…, différent d’une
activité artisanale comme la couture ou la cuisine – ateliers infirmiers, rééducation
en séances d’ergothérapie… Ce ne sont
pas les mêmes techniques et ce ne sont pas les mêmes éléments psychiques qui
sont mobilisés ; certains cliniciens considèrent que toutes les médiations
permettent la même chose – on ne considère que leur point commun : la
fonction de tiers – mais c’est une erreur par omission qui aura des
répercussions sur les résultats de la thérapie envisagée.
Le processus de création-processus créatif
Le processus thérapeutique c’est le
processus créatif -
pas forcément la parole, l’interprétation ou la prise de conscience. La
transformation psychique peut se faire sans que la personne le verbalise ou le
conscientise.
Le non-verbal et la place de la parole
La parole n’est pas l’élément
principal. Dans certains
ateliers, la parole verbale n’intervient que très rarement. L’action réalisée
dans le silence peut être bien plus efficace pour certaines personnes que des
échanges verbaux – Sainte Anne. Dans certains ateliers, au contraire, les
soignants estiment que la verbalisation est essentielle et chaque atelier
contient un temps de parole individuel ou/et collectif. Certains soignants
estiment que la verbalisation est le but ultime du processus – Lyon2.
Le corps et l’empathie kinesthésique dans la distance-proximité thérapeutique
Le langage corporel est pris en considération. Celui du
patient comme celui du thérapeute. Le langage corporel tel que le décrit
Ajuriaguerra (dialogue tonico-émotionnel mère-enfant) ou tel que le décrivent
des praticiens du mouvement comme Feldenkrais. La notion d’empathie s’étend
alors à la proprioception et au sens kinesthésique (sens du mouvement) :
les qualités du mouvement dans l’espace et dans la relation à soi et aux autres
(ancrage ou évanescence, autorité ou effacement, débordement ou contenance,
confusion ou distinction, agitation ou tranquillité, excitation ou apathie,
rondeur ou saccades, brusquerie ou douceur…) Le toucher (surtout dans les médiations comme l’expression corporelle
ou le jeu théâtral) est incontournable, tant entre les patients qu’entre
patient et thérapeute. C’est un outil thérapeutique dont les limites doivent
être posées mais dont l’interdiction n’aurait pas de sens.
Des « stratégies du détour »[1] visant à
·
permettre
un champ d’expression plus vaste et moins contrôlé
·
éviter la confrontation stérile ou l’abus de pouvoir du
thérapeute et la soumission du patient
·
contourner
les résistances au changement – les ménager sans les laisser faire obstruction
systématique
·
faire
diversion, mais aussi changer de terrain
= passer du malade à la personne, du trouble à la créativité, du
problème à la création, de la part malade à la part saine.
Pour dire sans dire, pour dire autrement ou
encore pour dire à partir de la création évolutive plutôt qu’à partir des
restrictions de la personne.
Jean-Pierre
Klein parle d’un « art du décalage » :
« L’originalité de cette
psychothérapie particulière qu’est l’art-thérapie
est la pratique systématique du décalage et du travestissement pour atteindre
l’authenticité de la personne, ce qui lui permet de ruser avec ses résistances
au changement (…) le thérapeute ne demande pas à la personne de parler
d’elle-même mais, par exemple, de
dessiner et d’inventer à partir de ce dessin une histoire où elle ne figurerait
pas. Interdit de parler en /je/ qui renverrait au Sujet de l’énonciation.
Interdit de donner son prénom au héros… »
La mise en action de « la part saine » (la part créative et qui entre en relation)
Jean-Pierre
Klein
évoque un « dédoublement de
l’énonciateur » : « L’art-thérapie…la
création comme processus de transformation, la symbolisation thérapeutique
accompagnée… peu importe le nom donné… procèdent à un dédoublement du Sujet de
la thérapie en un ‘Je douloureux > Je1’
et un ‘Je créateur> Je2’ (…) ‘Je 1’ était Objet de formes secrètes, ‘Je 2’
sera Sujet d’autres formes que sont les productions en séance.
La fiction, la métaphore
JP
Klein « Le thérapeute ne s’adresse pas,
le plus souvent, explicitement (bien qu’il n’en pense éventuellement pas moins)
à la personne œuvrant sur elle-même mais au créateur d’une œuvre don il suffit
de savoir qu’elle a une relation mystérieuse avec la personne. Il travaille au
nom de l’œuvre elle-même comme métaphore
implicite qui s’est émancipée de son auteur (…) la production n’est pas la
personne. La pensée simplificatrice soutient que ce qui sort de la
personne c’est la personne elle-même et que ses productions ont le même statut
que ses rêves. Les œuvres la révèleraient, elles deviennent ainsi symptômes à
classer parmi d’autres (…) la production est une invention suscitée par
l’imagination… la projection du ‘Je’ de l’énonciateur en ‘Il’ du personnage… Le
pari de la « création comme processus de transformation » est que,
dans certains cas, le ‘il’ est plus proche du moi que le ‘Je’. » Ibid
La coexistence des contraires (sécurité-risque,
projection-introjection, fiction-réalité…)
[Voir
l’article « Entre théâtre et psycho, des contradictions fertiles »
sur la page Facebook Entre les Encres]
Le « A la fois », la production comme objet
transitionnel.
JP
Klein « L’art serait comme une mise
en scène des contradictions, des oppositions, dans une même forme qui les
contiendrait sans les résoudre mais en les dépassant ou les atténuant (…)
L’art-thérapie ajoute à l’art le dessein de la transformation de la personne… Je suis l’auteur mais pas l’objet
explicite de ma production. Ainsi est mise en scène cette contradiction :
[c’est moi ET ce n’est pas moi]
-
‘Je’ et ‘il’ sont différents
-
Je me projette dans ma production
Elle fait le lien entre ce qu’on appelle en psy relation d’objet et
identification projective (…) on pourrait la rapprocher de l’objet
transitionnel ou intermédiaire de Winnicott > du passage de décollement
entre la mère-moi et la mère et moi. Serait-il d’accord pour dire que
l’intérêt est dans le « à la fois »… Cet espace intermédiaire « à la fois » joint et sépare…
évite la séparation et la permet. » Ibid p.137-113
La symbolisation _Le rêve_ La rêverie
La relation par le tiers de la médiation _ le médium malléable_ le transfert
L’Aire transitionnelle, l’objet transitionnel et sa valeur « magique »
La contenance, le cadre
La relation soignant-soigné (ou participant) // mère-enfant (Winnicott, Bion…)
Les associations et la co-associativité (Brun) versus les interprétations du thérapeute
[1] JP
Klein, Penser l’Art-thérapie, PUF « concepts opératoires » p.137 « Des stratégies du détour qui piègent
nos discours sur nous-mêmes, nos défenses, nos résistances, nos concrétions en
symptômes… »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Comment taire ?